La Vodka, 10 traditions à connaitre
Comment tenir un blog sur la Russie sans parler de la vodka. C'est un des emblèmes nationaux.
Elle fait souvent rire, parfois pleurer, mais elle est au cœur de la vie sociale des Russes.
La vodka au-delà des clichés ?
Commençons par un peu de science
La vodka, ou petite eau en Russe, est produite à base de patates ou de céréales (surtout de blé germé). C'est un point essentiel et j'ai une vraie préférence pour la vodka à base de céréales. Mais le point le plus important est certainement l’eau utilisée pour la dilution finale de l’alcool.
Pour les vodkas de qualité, on utilise en Russie de l’eau de source. Les vodkas occidentales seraient, dit-on ici, en majorité fabriquées à partir d’eau distillée, grosse différence au goût !
Le « Samagon », c’est de l’alcool fait maison, il peut titrer sévère, méfiance ! Voir Article : "Alambics et Distillation"
Quelques habitudes parmi une multitude
Vous découvrirez que boire la vodka est un rituel, un moment culturel de partage. Finalement assez proche de la tradition du vin pour un Français. Différence : il ne se hume pas, et on ne commente pas sa « robe ». Mais le boire s’accompagne d’un certain cérémonial.
Combien de grammes ?
La vodka se boit en gramme...
Oui oui, vous m'avez bien lu ! Au bar, on commande la vodka au gramme, 50 g équivalant à un petit verre, petit joueur... 100 g (prononcer sto gram) commence à être un peu plus sérieux... au-delà, je ne suis plus dans la course...
Ne jamais mélanger la vodka
C'est peut-être évident, mais cela vaut d'être rappelé... la vodka se boit pure... sans ajout de jus, de sodas. Je n’ai ici jamais vu un seul irrespectueux diluant sa vodka. Imagineriez-vous un français coupant son cru classé ?
Mangez les zakouskis !
Après avoir bu votre verre de vodka, idéalement à température ambiante ou sortant du réfrigérateur, vous trouverez sur la table des zakouskis, qui sont tout ce qui n’est pas le plat principal, cela inclut les entrées, les salades, les cornichons malossol, les harengs marinés ou les charcuteries, et qui vous aideront à retrouver votre sérénité.
Pour plus de sécurité, prévoir un verre de jus de klukva (Canneberge) ou de morse (voir article à venir : les Arts de la table), qui aideront à amortir l’agressivité de l’alcool.
Manger systématiquement après chaque verre de vodka, c'est le grand conseil pour ne jamais être saoul. Oui enfin, quelques fois ça ne suffit pas... ;-)
On boit « do dna » ou "do kontsa"
La Vodka ne se « sirote » pas (en tout cas pas en Russie !)
On boit « do dna » c'est-à-dire « jusqu’au fond », cul sec, quoi ! ou encore "do kontsa" до конца jusqu’à la fin.
Par contre, on ne jette pas son verre derrière soi après déglutition. On n’est pas des cosaques !
La tradition des Toasts
Porter un toast avant chaque nouvelle tournée de vodka est une obligation. Et on ne boit jamais sans qu'un toast ait été porté.
Ne buvez pas seul votre vodka, attendez simplement l’initiative d’un plus assoiffé ou plus inspiré. Vous passeriez pour un alcoolique incontinent.
Mais vous pouvez prendre la parole à n’importe quel moment en levant votre verre, toute l’assemblée vous imitera immédiatement en se tournant vers vous, prête à boire aussi votre discours.
Le toast est un moment extrêmement important. Les Russes peuvent alors rivaliser d’élocution en une joute oratoire, déclamer une poésie poignante sur l'amitié, philosopher sur les relations homme-femme, ou vous servir des anecdotes à mourir de rire. Le toast peut être bref, ou durer à n'en plus finir (quand en plus, vous n'y comprenez pas grand-chose, ça peut même être très très long).
Pendant la durée du toast, vous devez garder votre verre levé. Attention, petite astuce, lorsque le toast s'éternise : sans poser votre verre, vous pourrez quand même changer de main ;) ;)
À votre tour ! Eh oui ! À un moment, ce sera à votre tour de porter un toast. Partez sur un toast simple :"aux amis" - "За друзей" - prononcer za drouzié. Pour aller plus loin dans vos débuts, apprenez-en quelques-uns par cœur !
Pour en savoir plus, je vous invite à lire l'article : Le Toast ou comment Trinquer comme un vrai Russe. C'est un sujet en soi ;)
Pas une minute entre le premier verre et le second
Entre le premier verre et le second, il est de tradition de ne pas attendre longtemps. Bonne habitude pour une mise en jambe rapide. Ça vise tout simplement à marquer un certain rythme. Cela peut d'ailleurs faire l'objet d'un Toast : "entre le premier et le second, pas une minute"
Un seul serveur pour une bouteille de vodka
Lors d'un dîner, la personne qui commence à servir le contenu d’une bouteille doit s’en occuper jusqu’à ce qu’elle soit vide. Il se chargera, bien sûr, d’approvisionner à temps les invités en munitions, en remplissant les verres.
Si le préposé est changé avant l’assèchement du flacon, on dit que les invités seront trop saouls ou qu’une bagarre pourrait éclater. En principe, quand la bouteille est confiée à des mains raisonnables, c’est là une méthode éprouvée pour garder un rythme modéré de consommation. Dans la pratique, après quelques verres, on ne répond plus de rien...
Les bouteilles vides doivent être mises sous la table
Lors d'une soirée en Russie, vous verrez toujours disparaître les bouteilles sous la table, dès qu’elles sont vidées. Superstition ?
L’habitude aurait été prise par les soldats russes en garnison à l’étranger, ou les consommations étaient réglées en fin de soirée et sur la base des bouteilles comptées sur la table. Boh. Je ne sais pas trop la vraie raison, mais cette habitude est respectée.
«Laver l’achat» ou « obmit pokoupkou »
Lorsqu’un Russe fait l’acquisition d’une nouvelle voiture ou effectue une grosse dépense, il doit « laver son achat » (« obmit pokoupkou »). Cela signifie qu’il doit célébrer cela avec ses amis ou ses proches, sans quoi cette emplette ne lui apportera pas le bonheur. Dans les temps anciens, les gens croyaient qu’acheter quelque chose de cher pouvait rendre les voisins verts de jalousie et invitaient donc un prêtre à bénir l’objet à l’aide d’eau bénie pour éviter les mauvais sorts. Ça s’est par la suite transformé en "laver l’achat", par le biais d’un toast en l’honneur de l’objet, avec l’inévitable vodka.
De la vodka pour Trois
Vous entendrez peut-être l’expression « soobrazit na troikh » (penser pour trois). Si deux amis vous disent cela, c’est simplement une invitation à boire de la vodka ensemble. Cette expression est certainement issue de l’époque où Nikita Khrouchtchev était au pouvoir et où il luttait, en vain, pour la sobriété du peuple. La vodka est alors devenue plus onéreuse : une bouteille coûtait environ 3 roubles (ce qui était une somme conséquente pour l’époque) et de nombreuses limitations de vente étaient mises en place. Les soviétiques ont alors commencé à organiser des trios pour acheter du produit. On peut aussi supposer que c’est aussi parce que les Russes aiment boire en bonne compagnie.
Chaque rituel, chaque tradition a son charme et raconte un bout d’histoire russe. Plus qu’un simple alcool, la vodka est un pilier social et culturel qui rassemble les amis, anime les discussions, et laisse des souvenirs mémorables... à condition de ne pas dépasser les fameux « 100 grammes » !