Ces articles ont pour but de décrire quelques formes d’échanges marchands et de production en URSS. Ci-dessous, vous trouverez une description du « Système par Barter, ou Troc Officiel ».
Le Bartering en URSS (le troc officiel)
Le Troc, ou Barter, est un Système d’Échanges contractuels intergouvernementaux (ou entre entreprises) de biens de consommation sans utilisation de monnaies.
L’URSS des années 1960 à début 1990, à court de devises étrangères, utilisait à grande échelle ces systèmes de substitution dans ces échanges avec l'étranger : Pétrole contre produits agricoles, produits agricoles transformés contre Machines, Machines contre Patates, tout était bon pour l’échange.
Interagra et Jean Baptiste Doumeng
Le français Jean Baptiste Doumeng, « le milliardaire rouge », a joué dans la période 1960-1985 un rôle éminent dans les relations commerciales entre la France et l'URSS. Il se disait alors qu’à travers Interagra, la compagnie qu’il avait créée en 1949, passait 80% des flux commerciaux entre les deux pays.
Photo Roland Godefroy
Le développement extraordinaire de la Société Interagra était la résultante des liens nationaux et internationaux tissés par Doumeng par le biais du parti communiste français, et par l’amitié de certains chefs d’états étrangers, en particulier Castro et surtout Brejnev.
En Russie, cette relation privilégiée entre les 2 partis communistes et donc les 2 pays, a longtemps profité à toute l’économie française et ceci dans de nombreux secteurs : banque (Paribas), pétrole (Total), construction (Bouygues), tubulaires pour forage (Brun Frères), etc... C’est ainsi qu’on trouvait à Moscou du Roquefort, et autres denrées précieuses, échangées contre des machines-outils ou du miel de Krasnodar. La France importait alors de Russie tout le miel qui lui manquait. La Chine a pris la place depuis.
Jean-Baptiste Doumeng était à la tête d’un empire. Il était devenu l’un des plus gros négociant au monde de produits agricoles avec à l’apogée un chiffre d’affaires de 4.5 Milliards d’Euros (équivalents). Il s’appuyait sur du personnel de haute volée logé dans de splendides bureaux à Paris et une officine à Moscou (rue Bolchaïa Dmitrovka) où il avait implanté une des seules représentations tenue par un étranger, en ces temps de guerre froide.
Rue Bolchaïa Dmitrovka aujourd'hui
Yandex.ru/Map
Mon histoire avec Interagra
À l’initiative de la Société de Services que je représentais en 1990, et par l’intervention de notre siège à Paris, Interagra avait accepté de nous héberger dans ses bureaux Moscovites. Il nous donnait ainsi accès à une rare ligne téléphonique vers l’international, et nous permettait de bénéficier aussi d’une entrée auprès de quelques personnes du ministère de l’Énergie.
Les six employés de leur équipe à Moscou avaient une sérieuse Culture du secret. Les Discussions au sein de leur groupe, avaient lieu après les heures d’ouverture, quand nous avions quitté les lieux. Pas de clefs pour nous, surveillés en permanence : alliance de la suspicion soviétique mêlée à la dissimulation française.
Atmosphère lourde : « nous connaissons tout de ce marché, sans nous vous êtes fichus, et vous faites comme on vous dit. » Et puis devant mon refus, convocation à Paris en conseil de discipline au siège d’Interagra pour expliquer mon manque de flexibilité. « Le marché, à mon sens, n’est plus à Moscou, au ministère de l’Énergie, mais directement au niveau des compagnies opératrices, en Sibérie en particulier ».
Gros scandale. « Vous avez trois mois pour réussir, après quoi on vous vire ».
Deux mois après, j’obtenais le premier contrat avec Robert I., et je prenais aussitôt mon indépendance en m’installant dans de nouveaux locaux ouverts dans le parc des expositions (VDNX) hors du centre-ville.
Nos bureaux dans le Centre des Expositions
Yandex.ru/Map
Le passage de l’autorité centrale vers les entités productrices provinciales nous avait rapidement aiguillés vers la Sibérie, et la zone nord pré-Oural de Timan-Pechora où se trouvaient les vraies opérations et les techniciens.
Pendant ce temps, Jean-Baptise Doumeng décédait d’une crise cardiaque. Cet empire a été dépecé & désossé en trois ans, et dans les derniers mois eut lieu un sauve-qui-peut général.
L’ouverture du pays a été une catastrophe pour des compagnies comme Interagra, dont le nerf et raison d’être tenait par des relations personnelles à très haut niveau, sans réelle structure de production, ni spécificité qui puisse la pérenniser. La Mort de Brejnev (1982) puis plus tard la disparition de Doumeng (1987) ont précipité le géant dans l’abîme. La mise en liquidation judiciaire fut prononcée en 1993.
Le Troc Officiel, un exemple :
Exemple de Barter en province :
Le « Konzern » (conglomérat) pétrolier Komineft (dont le siège était à Ukhta, République des Komis (Voir Article : La République des Komis)) eut la possibilité après 1992 de négocier et vendre à l’extérieur du pays une partie de sa production. Pétrole contre Biens de Consommation.
Le produit du Barter était redistribué en nature aux employés, pour une valeur en roubles fixée par l’entreprise, valeur retenue sur le salaire.
Les Jeans, symbole d'Américanisation, étaient un bien très recherché.
Ces produits, par ricochet, alimentaient le marché (bourse) aux échanges en plein air et servaient aux fortsovtchiki (trafiquants) (voir Article : Le Marché Noir en URSS), qui s’enrichissaient en monopolisant le flux de denrées et en contrôlant les niveaux de prix. Ils revendaient ainsi ces produits dans les grandes agglomérations, par exemple Moscou, à bien meilleur tarif.
En complément et sur la base du Troc officiel, s’était instauré toute une série de types d’échanges entre trafiquants et entre particuliers.
Cette Spéculation organisée, ou même le simple troc, étaient aussi alimentés par des détournements de production, de la production cachée ou de la production personnelle (Voir Article : Acheter, Vendre en URSS partie 7, Les Vendeurs de Rue, les petits Kiosques).
Union Soviétique, URSS, Russie, tourisme, culture, traditions
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