Lors de mes premiers séjours sur chantier pétrolier en Sibérie, le rôle d’opérateur, pour la spécialité qui était la mienne, était tenu par des femmes. Nous étions en 1991. Étonnement, car meme si je ne maniais pas des tonnes de ferraille pendant toute la journée, le boulot était suffisamment dur, en particulier au niveau du stress, des nuits de veille à contrôler les circuits, de la difficulté à faire bouger les équipes de gros bras, à être toujours prêt sur le qui-vive, pour parer aux impondérables et aux surprises techniques diverses.
Cette situation était pourtant la norme et les filles elles-mêmes s’étonnaient de mon ébahissement.
Le travail des femmes, dans des métiers qui en Europe sont encore exclusivement masculin, fait partie ici depuis toujours, du coutumier.
Photo : Franz Grasser
La tradition du travail féminin relève d’une habitude ancestrale, commencée sous les Tsars, continuée allègrement par les bolcheviques, et rendue indispensable pendant et après la guerre 39/45 quand il fallait suppléer a l’absence des hommes partis au massacre.
Prenons quelques exemples historiques avant de glisser jusqu’à nos jours.
Travail des Femmes : Une Tradition et une Nécessité, nées sous les Tsars
1880. Une jeune paysanne aux mains de "vieille dame"
Le parcours pour les filles, commençait dès le plus jeune âge. Les filles de 7 à 12 ans s'occupaient de leurs jeunes frères et sœurs. Puis, eIles faisaient paître le bétail. EIles aidaient bien-sûr aussi au champ : ramassaient les pommes de terre, apportaient de la nourriture et des boissons aux adultes pendant leur ouvrage.
Elles étaient de corvée d’eau, rinçaient le linge, apprenaient à le coudre et à filer, pétrissaient et préparaient le lin et le chanvre.
Steppes d'Astrakan près de la Volga, 1912-1913
Photo : Zakhary Vinogradov
Quant aux femmes adultes, leur travail ne se limitait pas à s’occuper des enfants et gérer les tâches ménagères. Beaucoup d’autres travaux leur incombaient en particulier aux champs. De nombreux domaines qui sont désormais considérés comme masculins, leurs étaient autrefois aussi dévolus.
Quelques exemples :
La Récolte. Province de Vladimir. Années 1910
Photo : Sergueï Lobovikov
L’arrosage du jardin potager, 1875-1876
Photo : Ivan Boldyrev
Femme cosaque réparant une vitre, 1875-1876
Photo : Ivan Boldyrev
(Voir Article « Les Lapti, entre Sandales et Espadrilles »)
Récolte du fumier
Photo : Ivan Boldyrev
Dans certains cas, quand elles avaient totalement à charge la famille, les femmes ont occupé des emplois extrêmes. Par exemple, grâce au peintre Repin, nous connaissons les Haleurs de barges, qui travaillaient sur la Volga, mais tout le monde ne sait pas que les femmes se livraient également à cette activité divertissante.
Burlaki tirant une barge sur la rivière Sura dans la province de
Nijni Novgorod, 1910.
Photo de Z.Z. Vinogradov
Dessous, l’illustre tableau de Répin
Les Haleurs de Barges sur la Volga
Ilya Yefimovic Répin
La main-d'œuvre féminine était également largement utilisée pour la construction du chemin de fer. Ci-dessous, un instantané lors de la Première Guerre mondiale.
Photo : Sergueï Lobovikov, 1916
Pour les soins du bétail, si les hommes étaient orientés chevaux, le reste, les vaches, les moutons, les cochons, les oies et les poulets étaient exclusivement de la responsabilité des femmes.
Photo : William Carrick, 1860-1870
N’oublions pas de mentionner, la préparation de plats pour une famille nombreuse, pour laquelle il fallait aussi chauffer le poêle.
Et, bien sûr, n’oublions pas le lavage du linge et son entretien : ci-dessous, les lavandières au turbin
Sur l'Ienisseï ou au Portugal ?. Début des années 1900. Les Lavandières
Source : Archives d'État du territoire de Krasnoïarsk
Mais avant que les vêtements ne soient lavés, ils doivent être taillés et cousus. Et pour les coudre, il faut tisser le tissu. Et pour le tissu, vous avez besoin de fil qu’il faut filer. Pour cela, vous devez planter et récolter du lin. Engrenage Infernal !
Les vêtements paysans, chausses comprises (Voir Article « Les Lapti, entre Sandales et Espadrilles ») étaient fabriqués à la maison, et ce, presque jusqu'au début du 20e siècle.
Tissage dans le village. Verkhne-Usinsky, 1916
Source : Archives d'État du territoire de Krasnoïarsk
Dans ce panoramique des activités journalières, il ne serait pas superflu d'évoquer aussi les accouchements métronomiques. Une femme donnera naissance à huit, voire dix, douze enfants, pour que trois ou quatre d'entre eux restent en vie.
Enfin une forme de délivrance définitive met fin au calvaire.
Vers le cimetière. Région d'Arkhangelsk
Femmes : les professions « lourdes » de l'ère de l'URSS
Après la grande fracture de la Guerre 39/45, n’ayant plus d’hommes pour produire, construire, cultiver, éduquer, l’état a mis à contribution ce qu’il lui restait de chair à user. Les femmes ont dû retrousser leurs manches pour pallier aux manques dans tous les domaines.
Cet appel aux femmes les a bien entendu confortées dans leur rôle central dans la société, impliquant des concessions par le pouvoir, au niveau des conditions de vie et de travail.
D’autant qu’on attendait d’elles de repeupler au plus vite le pays.
En fait, les femmes ont été ramenées dans les ateliers et aux taches rudes, dans des conditions pires que sous le tsarisme. Par exemple la maternité était désormais devenue un «devoir socialiste», mais en plus une femme se devait d’accomplir toutes les autres tâches incombant aux individus, comme Labourer, Œuvrer dans une Usine ou un Bureau, pour ne pas être considérée comme un «parasite».
C’est une forme particulière d’interprétation du concept de «droit au travail».
Dans l'URSS post-stalinienne, après 1953, les choses sont devenues plus souples et les conditions ont évoluées :
À partir du milieu des années cinquante, l'éducation est redevenue mixte,
L'avortement a de nouveau été autorisé,
En 1967 le concept de «pension alimentaire» a été introduit,
En 1968 – apparait le congé de maternité payé.
Remarque : le congé de maternité de plusieurs mois n’existait pas en fait, jusqu'à la toute fin de l'URSS. L'enfant était gardé dans des crèches organisées par l’état, et les femmes retournaient au plus vite au travail. Et surtout, pendant toutes les années de l'URSS, l'image d'une mère qui travaille a été officiellement promue. L'image idéale d'une femme soviétique était ainsi dépeinte : elle travaille à plein temps, accomplit les tâches ménagères, sert et plaît à son mari de toutes les manières possibles, lui prépare des plats chauds, résout tous les problèmes d’éducation des enfants et fait la lessive pour toute la famille. Elle emmène l'enfant en transports en commun vers les activités extra scolaires et j’oubliais : elle nettoie l'appartement. Ouf !
Les Photos suivantes sont tirées du Blog photo de Andrey Kirnov. https://zen.yandex.ru/muph et https://zen.yandex.ru/media/muph/jensciny-tiajelyh-rabochih-professii-epohi-sssr-chestnye-i-negliancevye-foto-6035343e756eeb31f049043c
Par exemple, voici une photo d’ouvrières de l'usine de tabac de Chisinau, qui date de 1952.
Voici ensuite un plan nettement publicitaire et mis en scène, mais les gamines sont au boulot, piqueur en main.
Construction du métro, 1934.
Reproduction des actualités TASS
Une photo plus récente (années 80 ?) de la chaîne de montage AVTOVAZ.
Photo : Service de presse d'AvtoVAZ
Sur le Toit, la mouche aux gros yeux noirs exhibe son dard d’un sourire salace :
Sur le toit de l'hôtel "Ukraine", Moscou, 1953.
Photo : Dmitry Baltermants
Dans l’atelier de fabrication :
Tout à trac la trogne tragique et tourmentée de Mamie qui trime et turbine au tour
Vétéran du travail socialiste
Photo : Vladimir Lagrange
Le cliché ci-dessous, d’un naturel poignant.
Pousse ton portant pesant ma poussine, je porte les petits pains précieux
Femmes avec des Beignets et une charrette de briques, 1981.
Photo : Vladimir Vorobiev
Présentation de la Motrice, en vedette, au centre de l’image.
Montée en marche sur la machine, elle mate avec malice les manettes de la motrice qui meugle.
Transport souterrain de roches aurifères, années 1950
Hommes et Femmes devaient travailler très dur. N’oublions pas qu’en plus ils construisaient le monde Socialiste de demain.
Brigadier de la brigade du travail communiste "Dorsantekhstroy"
Photo: V. Myasnikov
Et ce, pas seulement dans les villes où l'industrialisation avait lieu, mais aussi dans les campagnes. Dans les fermes collectives, ou les gens travaillaient de l’aurore au crépuscule.
Déchargement de céréales, Région de Kouban, 1952.
Photo : Arkady Shaikhet
De grêles et graves greluches grattant a la griffe des grains gris, grimpées sur les tas, se grisant de leur glissement vers les grilles de la grange, comme gravats.
Par manque de bras masculins, les femmes effectuaient très souvent des travaux inattendus et complètement non féminin : ci-dessous des trapézistes en plein exercice.
Des femmes Corbeaux taillent les arbres dans le parc de l'Université d'État de Moscou, 1960.
Photo : Viktor Akhlomov
Voici le portrait d'une femme dompteur, en boulangerie. En regardant cette photo, on éprouve beaucoup de respect pour la peine exprimée, et on se souvient aussi du goût de ces beignets bien frais du rayon pain.
Femme furie au fournil, dans ses fripes frustes, effrayante enfarinée et pas frêle, elle fait front au froment et nous fricotte sans frayeur de frais frichtis fourrés-fraises.
La Main à la Pâte. 1981, à Novokouznetsk
Photo : Vladimir Sokolaev
Ci-dessous, une scène d’une belle intensité dramatique.
La Brave Biquette brosse et brise la brique sous les brimades du brigadier qui braille et la brocarde.
Plus Vite les Briques !
Vocation d’infirmière contrariée, on se rabat sur d’autres seringues :
Petit peuple Pique, pic et Pioche pile-poil sur la pierre, n’aie pas peur mais gare tes pieds
Le Lait Battu ça donne du Beurre
Dans la Gadoue, la Gadoue, la Gadoue
« Du mois de septembre au mois d’août Faudrait des bottes de caoutchouc Pour patauger dans la gadoue, la gadoue, la gadoue »
Et enfin, je vous propose de jeter un œil sur la photo prise à Kazan en 1987, alors que le pays était déjà en Perestroïka, et que l'URSS vivait ses dernières années.
Certains ont eu une bière, et d’autres ont eu l'asphalte.
Photo : Roustam Moukhametzyanov
Bien-sur les conditions évoluent et les nécessités impérieuses de l’après-guerre se sont estompées, mais sans complexe les femmes sont toujours présentes dans de nombreux domaines ou on ne les attend pas. Dans notre maison des peintres femmes ont appliqué un enduit Provençal dans plusieurs pièces avec rapidité et bonne humeur.
Sur la photo ci-dessous, la chaine de montage est servie par hommes et femmes indistinctement.
Ligne de montage Avtovaz actuelle
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