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Photo du rédacteurAlain Mihelic

La Taïga, la dure Beauté de la Russie.

Dernière mise à jour : 26 oct.

Chaque zone climatique de notre planète est unique et belle à sa manière. La beauté sévère de la taïga ne laisse personne indifférent et plait à ceux qui se retrouvent dans les parfums humides des aiguilles d'épicéa, de pin et de mélèze. Vous pouvez ne pas aimer la taïga, mais il est impossible de ne pas l'admirer.


La Taïga est une majestueuse et majuscule Forêt de Conifères (pins, épicéas, mélèzes et sapins) au Nord, et de Feuillus (bouleaux, érables, aulnes, saules et peupliers) plus au Sud. Les dimensions ici sont titanesques : 8000 km de longueur dans la seule Russie, sur 1000 à 2000 km de largeur. Une planète à elle seule, en tout cas un monde à part, quasi désert de population.


Le nombre d’espèces d’arbres est assez limité, car il y faut une adaptation unique aux conditions climatiques. Ces arbres atteignent les latitudes les plus élevées de tous les arbres de la Terre.

En été, une courte saison de croissance avec de longues journées, qui varient du frais la nuit au chaud le jour, avec assez peu de précipitations. Pendant les longs hivers très froids, les moins 50 deg C ne sont pas rares, les journées sont courtes et un manteau neigeux persistant est la norme. L'enneigement dure de 240 à 270 jours dans la partie nord et de 160 à 170 jours au sud.



Tous les grands réseaux Fluviaux de la Taïga, en particulier l’Ob , l’Ienisseï et la Lena, coulent vers le nord.

Ces grands fleuves et leurs affluents découpent le plateau central de la Sibérie, dont l’altitude varie de 300 à 700 mètres mais qui culmine a plus de 2000 mètres dans les monts de Poutorana vers le nord.



Les Grandes Plaines Inondables de la Taïga :


Penchons-nous plus particulièrement sur l’Ob.

L'Ob en Sibérie occidentale forme un vaste bassin, avec une considérable surface de zones humides tourbeuses mal drainées. Son dénivelé n'est que de 200 mètres sur plus de 2 000 km, ce qui l’amène à serpenter lentement à travers d'immenses plaines inondables ou les marécages sont omniprésents.

Plus de la moitié de cette plaine se situe en dessous des 100 mètres d’altitude.

Au dégel, dans l’Ob supérieur, les inondations printanières commencent début avril, lorsque la neige des plaines environnantes, puis celle de l’Altaï commencent à fondre. Les niveaux des flots augmentent, alors que le cours d'eau est encore obstrué par la glace. Les niveaux d'eau maximums, qui se produisent en mai sur l'Ob supérieur, peuvent ne pas être atteints avant Juillet ou même Août sur les tronçons inférieurs, et dans ces zones, les inondations peuvent durer jusqu’à quatre mois. Le marais de Vasyugan, plaine inondable au confluent Ob-Irtych, couvre quelque 49 000 km², soit huit départements moyen français !


Etendue de La Taiga sur le continent Euro-Asiatique
Extension de la Taïga






À l’entrée de l’hiver, la glace se forme sur l'Ob supérieur de fin octobre à la mi-novembre, après quoi le cours inférieur commence lui aussi à geler. À la dernière semaine de novembre, toute la rivière est gelée ; les tronçons supérieurs restent gelés pendant environ 150 jours, la partie inférieure durant 220 jours. Le dégel de la glace - qui prend plus de temps que le gel - dure de fin avril (en amont) à fin mai, et la débâcle, s’étend sur approximativement cinq jours. Cette dérive printanière produit des embâcles considérables (Voir Article la Débâcle et ses coups de canon).


La différence de niveau entre les hautes eaux (crue) et les basses (étiage) est de 8 mètres à Novossibirsk sur l'Ob supérieur, de 13 mètres à Aleksandrovskoye au milieu Ob, mais curieusement diminue à pas plus de 6 mètres à Salekhard près de l'embouchure.

Ces phénomènes morcellent la taïga et ont une puissante influence sur la végétation.


Végétation :


Le pin, le cèdre, le mélèze, le sapin argenté, le tremble, le bouleau, le saule, les boules de neige (Viburnum), le cerisier à grappes (Prunus padus, photo ci-dessous), les buissons de cassis et roses sauvages, voilà l’essentiel du diapason des variétés végétales.


Taïga. Immensité boisée, peu pénétrable, marécageuse, feuillus
Le Cerisier à Grappes en pleine Floraison

Les forêts de conifères denses sont sombres. Leurs couronnes sont si fermées qu'elles ne laissent pas la moindre possibilité pour l’apparition d’un deuxième étage de végétation. Souvent, ce sous-bois est bloqué par d'énormes débris de bois mort, créant un fouillis relativement peu pénétrable. Plus près du cercle polaire, les variétés de conifères changent, laissant passer plus de lumière et permettant la pousse d’arbustes.

Cependant, la Forêt de Conifères n'est pas homogène et continue. Dans les zones mal drainées, dans les marécages et les tourbières, les Bouleaux, les aulnes et les saules prennent le relais.

Mention spéciale pour le Cèdre de Sibérie aux aiguilles duveteuses occupant de vastes surfaces, depuis l'Oural jusqu’au Pacifique. En saison, il donne des pignons savoureux et très nutritifs qui sont utilisés en pharmaceutique, ainsi que pour les parfums et la chimie.


immensité boisée, peu pénétrable, marécageuse, feuillus et Coniferes
Les grandes plaines innondables

La richesse mycologique de ces forêts boréales est splendide. Et sans y connaitre grand-chose, on ne risque rien en cueillant les bolets, ceps de bordeaux, russules, lactaires, armillaires en touffes.

On ne risque rien, sauf qu’ici encore le danger vient des moustiques, moins nombreux que sur la toundra, mais aussi affamés. J’ai payé une récolte de cep, par un séjour à l’hôpital de la ville, pour réaction allergique à une piqûre de loustique farceur, qui m’a mis l’œil comme une balle de tennis pendant deux jours, au grand plaisir de mes compagnons d’échappée sylvestre.

Attention quand même à l’ourse qui, accompagnée de ses petits, peut se montrer particulièrement belliqueuse.



Pédologie (rien d’injurieux, c’est l’étude des sols)


Dans toute la taïga, le type de sol dominant est le Podzol, résultat de la lixiviation (lavage) intense, caractéristique de cette zone, par un surplus d'humidité et trop peu d’évaporation par manque de chaleur.

La végétation forestière fournit une couche superficielle d'humus brut très acide qui se décompose lentement, produisant des acides humiques. Les podzols se forment sur un matériau riche en quartz.

Percolant vers le bas, ces eaux acides entraînent les composés de fer et de calcium et lessivent la couche supérieure, qui en pâlit de rage (voir photo ci-dessous). Ces oxydes métalliques sont re-déposés à un niveau inférieur, l’Horizon spodique composé d'Humus accumulé et de fer et d'aluminium.

Résultat : un sol impropre à la culture, et difficilement amendable, même avec des applications forcenées de chaux et d'engrais.

Sur la photo ci-dessous, un profil du sol du podzol montrant une couche blanchie à partir de laquelle de l'humus et des oxydes métalliques ont été lessivés puis déposés dans l'horizon typiquement rougeâtre en dessous.


Consultez en fin d'article un prolongement plus technique à cette introduction au phénomène Podzol.


Le Podzol, sol pauvre, peu propice a l'agriculture
Profil du podzol, avec une couche blanchie d'où l'humus et les oxydes métalliques ont migré

Photo Lars Theng


Vie Animale :


Sur une cinquantaine d'espèces de poissons présentes dans les rivières ou dans les lacs, les plus précieuses sont des variétés d'esturgeons, comme le nelma ( Stenodus leucichthys nelma ), et de «corégones» tels le muksun ( Coregonus muksun ) (voir article Le Muksun un poisson de Sibérie méconnu), le tschirr ( C. nasus ), et le pelé ( C. pelea ), ainsi que le brochet, la carpe et la perche.


Parmi les plus de 170 espèces d'oiseaux qui se reproduisent dans la plaine inondable et dans la Taïga, on compte : le tétras, la perdrix, l'oie et le canard, parmi les plus appétissants.


Pour les mammifères : le vison sibérien et américain, l'hermine, le renard, le loup, le lièvre blanc, le rat d'eau, le rat musqué, la loutre et le castor.



Peuplent aussi ces contrées, Ours, Panthère des Neiges, Cerfs, Cerf de Sibérie (Cervus canadensis sibiricus), Élan, Lynx, Tigre de Sibérie, etc.


immensité boisée, impénétrable, sombre, mystérieuse, inquiétante
Immensité un peu inquiétante, mais a l'attraction puissante

La Taïga est traversée par des routes asphaltées, mais aussi et surtout par un réseau de routes d’hiver, simples pistes en sable, couvertes de neige et glace, ouvertes au bull après les premiers gels, pour permettre les communications et transport vers des zones peu peuplées ou à vocation industrielle, et ce, afin de pallier la fermeture des voies fluviales.


Route d’hiver, simple piste en sable, ouverte au bull
Route Hivernale en Taiga

En Sibérie, pour l’exploitation pétrolière, les lourds appareils de forage, sont déplacés uniquement sur ces pistes.


Le Podzol :


Le podzol, cet étrange et fascinant sol de la taïga, est réputé pour sa grande infertilité. Cette spécificité découle d'une série de mécanismes chimiques et physiques influencés par le climat, la végétation et les propriétés du sol. Voici un éclairage sur ce qui rend le podzol si peu hospitalier pour les cultures :


Lixiviation Intense : Un Lessivage à Grande Échelle


Le podzol est typique des régions froides et humides comme la taïga, où les précipitations sont fréquentes et l’évaporation minimale. En raison de cette humidité constante, l'eau percole facilement à travers les couches de sol, emportant au passage des minéraux essentiels comme le calcium, le magnésium et le potassium. Ce processus, appelé lixiviation, laisse la couche superficielle dénudée de nutriments indispensables aux plantes.

Au lieu de s’accumuler à la surface, les éléments lessivés descendent dans des couches inférieures, laissant en surface un horizon de sol pâle, très acide, et sans minéraux essentiels à la croissance des plantes.


Acidification Par Les Résidus Végétaux


Les arbres dominants dans la taïga, tels que les pins, les sapins et les mélèzes, produisent des aiguilles et des feuilles très acides. En tombant au sol, ces résidus se décomposent très lentement en raison du climat froid, formant une couche d’humus brut, riche en acides organiques (notamment des acides humiques et fulviques). Ces acides s’infiltrent dans le sol et accentuent l’acidification de l’horizon supérieur.

Ce processus d’acidification a deux effets négatifs majeurs :


  • Libération des ions toxiques comme l’aluminium : L’acidité dissout certains éléments du sol, comme l’aluminium, qui peuvent devenir toxiques pour les racines des plantes.

  • Solubilisation des nutriments essentiels : Les nutriments basiques sont éliminés par le lessivage, car l’acidité rend difficile leur rétention dans la couche superficielle.


Formation d’Horizons Distincts : Un Profil de Sol en Étagère


Le profil podzolique se caractérise par des horizons bien marqués :


  • L’horizon supérieur, blanchâtre (horizon E), est celui où le lessivage est le plus prononcé. Cette couche est décolorée en raison de la perte d’éléments solubles.


  • L’horizon spodique, situé en dessous, se forme par redéposition des éléments lavés de la couche supérieure. Ici, le fer, l’aluminium et les acides organiques transportés se précipitent et forment une couche colorée (souvent rougeâtre ou brun foncé).


Cette stratification des éléments en profondeur rend difficile l'accès des racines aux nutriments essentiels : la couche supérieure est pauvre en nutriments, et la couche inférieure, bien que plus riche, est souvent trop profonde pour que les racines des plantes de surface puissent s’y nourrir.


Une Absence de Vie Microbienne Active


La température basse de la taïga ralentit drastiquement la décomposition de la matière organique. En conséquence, le cycle de l’azote et d’autres nutriments est quasiment en sommeil. Le peu d’activité microbienne retarde la minéralisation de l’humus, rendant le sol encore moins fertile, puisque les nutriments restent piégés dans des formes non assimilables par les plantes.


Manque d’Argile et de Capacité de Rétention des Nutriments


Les podzols se forment souvent sur des matériaux sablonneux ou pauvres en argile. Ce manque d’argile limite leur capacité d’échange cationique (CEC), soit la capacité du sol à retenir et échanger des nutriments. Sans argile ni matière organique stabilisée, les nutriments disponibles s’écoulent rapidement avec l’eau, rendant le sol encore moins capable de soutenir la végétation.


Surplus d’Humidité et Moins d’Évaporation : Le Cercle Vicieux


Le froid de la taïga limite l’évaporation, ce qui signifie que l’eau qui s’infiltre dans le sol reste longtemps en contact avec les horizons supérieurs, amplifiant le lessivage. Cette saturation en eau empêche également la remontée capillaire des nutriments, phénomène crucial pour les sols dans d’autres climats. Ainsi, le podzol reste constamment privé d’éléments nutritifs dans ses couches accessibles.


En conclusion :


Le podzol est le produit de milliers d’années de conditions climatiques froides et humides, de végétation acide et d’un cycle de lixiviation implacable. Sa structure acide et pauvre en nutriments est particulièrement hostile aux plantes domestiques, seules des espèces forestières spécialisées et adaptées peuvent y prospérer, perpétuant ce cycle. C’est un sol fascinant, mais pour le jardinage, disons qu’il est quelque peu… revêche  !





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