Dans cet article, vous trouverez une description du phénomène de débâcle tel que je l’ai vécu en Russie dans la ville de Xanthi-Mansysk.
Il y a quelques années je me suis rendu dans la ville de Xanthi-Mansysk, la capitale des Xanthis et des Mansis, peuples situés juste au-delà de l’Oural en Sibérie proche.
La cité est érigée sur la rivière Irtytch, à 15 km de sa confluence avec l'Ob. L’Irtych est un « petit affluent » de l’Ob, il fait 1.5 km de large à cet endroit. L’Ob lui est un « ruisseau » à la taille du pays : 3 km de largeur !
La ville est politiquement importante, car dans cette région les champs pétroliers sont nombreux et très productifs.
La ville est aussi connue pour sa passion des échecs, et de nombreux championnats mondiaux y ont été organisés.
Je suis ici pour des rencontres professionnelles, en début mai 1994.
Environ 70 % des réserves de pétrole de la Russie se situent en Sibérie occidentale, cela explique ma présence dans ces contrées.
Je m'endors tranquillement le soir dans ma chambre d’hôtel, située à proximité du fleuve. Prévenu de rien, corniaud à souhait, je suis réveillé la nuit par des coups de canon ! Levé en trombe (j’avais déjà vécu les événements guerriers de 1992 à Moscou), je fonce dans le hall de l’hôtel, je saisis par le col le portier assoupi pour avoir la clef de ce boucan. Il me toise hautain et me lance : « ледоход » (liedoxhod). Mot inconnu. Il me faut 5 minutes et force explications, pour comprendre : « c’est la débâcle » !.
Penaud, je retourne au lit après un moment passé dehors à écouter le tonnerre.
Débâcle :
Le mot en lui-même, décrit bien ce sentiment de perdition, de fin du monde, de chaos lors de la brisure de la glace sous la pression des eaux déjà réchauffées venant du sud.
Quand, poussé et fondu en partie par-dessous, et affaibli par des températures déjà plus clémentes, le pont de glace se brise en fracas, alors la confusion est à son paroxysme et le spectacle en délire.
Les berges des fleuves se remplissent de curieux, captivés par ce moment où les glaces hivernales se fracturent.
La débâcle inspire aussi la poésie : on y voit la fin de l’hiver comme une délivrance, un retour triomphal de la nature qui redevient fluide et imprévisible.
Cette photo, donne une idée de l’épaisseur de la glace et de l’ampleur du phénomène.
Débâcle. Caspar David Friedrich
Embâcle :
Embâcle : les morceaux créés par la débâcle, sont charriés et s’accumulent et se coincent sur les ponts de glace plus septentrionaux, la ou les températures du printemps ne sont pas encore suffisamment adoucies.
Des barrages, par amoncellements chaotiques de glace, se produisent parfois, interdisant aux eaux de passer et provoquant d'immenses inondations dans ce pays de Sibérie presque parfaitement plat.
Ci-dessus une photo d'embâcle de la Seversk à Tomsk. Cette photo, donne une idée de l’épaisseur de la glace et de l’ampleur du phénomène.
Les liens ci-dessous permettent de se faire une idée des dimensions et des volumes gigantesques mis en œuvre lors de ces deux phénomènes.
Autre Embâcle, à Paris, place du Québec, celle de Charles Daudelin, sculpteur Québécois :
Les émotions de la débâcle : miroir de l’âme ?
La débâcle, c’est plus qu’un phénomène de fonte de glace – c’est un symbole de renouveau, de libération, voire de renaissance pour les âmes qui l’observent.
Nous sommes tous un peu comme le fleuve, gelé depuis des mois, retenu prisonnier sous une carapace épaisse de glace.
Puis soudain, cette glace cède, craque et laisse enfin s’écouler les flots, retrouvant ainsi leur liberté.
Qui n’a jamais ressenti, à sa manière, ce besoin de briser des liens et de se libérer d’un poids ?
C’est comme si la nature elle-même nous jouait une symphonie de renaissance : une explosion orchestrée qui nous rappelle que parfois, pour avancer, il faut laisser éclater tout ce qui nous entrave.
Une "débâcle" personnelle peut-elle être l’élément déclencheur d’un renouveau ?
La confusion, le chaos, la perte de contrôle : tous ces sentiments sont ceux de la débâcle, mais ils peuvent nous mener aussi à la libération.
Et c’est là la magie de ce spectacle naturel : il nous invite, en spectateurs, à faire le parallèle avec nos propres "blocs de glace" intérieurs.
Un pont de glace se fracturant avec fracas sous la pression d’un fleuve enragé peut-il être une métaphore de la libération émotionnelle ? Après tout, chaque débâcle est suivie d’un nouveau départ, d’eaux fraîches et libres, prêtes à redessiner le cours du fleuve… et de la vie.
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