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Photo du rédacteurAlain Mihelic

Art Nouveau en Russie, acte 2 : La Maison Singer

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

La Maison de la société « Singer » (Зингер), dite "Maison du livre (Дом книги) est un bâtiment magnifique et l’une des pièces maitresses du centre historique de Saint-Pétersbourg.

Elle est située au numéro 28 de la perspective Nevski, à l’angle du quai du canal Griboïedov.


Vue de l’immeuble depuis le quai du canal Griboïedov.

Vue de l’immeuble depuis le quai du canal Griboïedov.

 

Le bâtiment a été construit entre 1902 et 1904, selon les plans de l'architecte Pavel Siouzor (Павел Сюзор) pour le compte de la société américaine Singer.

 

Les habitants de la ville appellent souvent ce bâtiment : "la Maison du Livre", car une librairie y est installée depuis 1938.

 

 

Histoire de la Maison Singer :

 

Les machines à coudre Singer sont apparues en Russie dans les années 1860 : elles étaient importées par le biais de l’Allemagne.

Plus tard, près de Tsaritsyne (ancien nom de Volgograd) dans le sud du pays, Singer crée un atelier d’assemblage et, en 1897, la société par actions « Compagnie manufacturière Singer », est enregistrée en Russie.

Une nouvelle unité de production est ensuite établie à Podolsk, à proximité sud de la ville de Moscou.

 

Machines à Coudre – Compagnie Singer

Machines à Coudre – Compagnie Singer

 

En 1900, afin de pénétrer les marchés non seulement de la Russie, mais également de Turquie, de Perse, et même de Chine et Japon, la compagnie avait besoin d’un siège local de bonne dimension et suffisamment représentatif, qu’elle décide de construire sur la principale rue commerciale de Saint-Pétersbourg, alors capitale de l’Empire.

 

La Compagnie Singer achète le terrain pour un montant dépassant un million de roubles de l’époque, soit environ : 8 millions d’Euros. (voir les équivalences en fin d’article).

 

Sur ce terrain, la maison du pharmacien Karl Imzen, reconstruite depuis les années 1840, abritait alors un magasin de musique, la rédaction du journal Birzhevye Novosti, une librairie et le studio de Sergey Levitsky, le premier photographe professionnel russe.

 

Singer voulait à l'origine édifier un immeuble de huit étages. Cependant, à Saint-Pétersbourg, une limite de hauteur de 11 sazhens (23,47 mètres), (Voir Article : « les Anciennes Mesures Russes ») était imposée, hauteur déterminée par celle du Palais d'Hiver, et aucune construction ne pouvait excéder celle-ci.


Le Palais d'hiver du Tsar a Saint Petersbourg

Pas laid dit vert

 

En 1904, la construction est achevée.

 

Les critiques, de la part des citadins furent nombreuses. Ils ont peu apprécié son aspect moderne-agressif et l’ont qualifié à la fois de « flacon de parfum » et même de « dent pourrie dans la mâchoire de la perspective Nevski ».

 

Ce qui gênait, c’était l’arrogance dans les formes, l’étalage d’opulence, la violation des normes de hauteur. Malgré tout, la tour d’angle en verre avec le globe terrestre est devenue le nouvel élément dominant de l’avenue.

 

 

L’occupation des lieux :

 

Jusqu’avant la révolution de 1917, le bâtiment abritera le siège de la représentation russe de Singer, un magasin, divers bureaux, des banques, la compagnie d’assurance « New York » et des coopératives commerciales.

 

L’immeuble est ainsi devenu l’un des premiers centres d’affaires du pays.

 

Singer, depuis le bas de l’atrium

Singer, depuis le bas de l’atrium

 

Pendant la Première Guerre mondiale, l’entreprise américaine a été associée à l’Allemagne – en raison du nom allemand de son fondateur.

Afin de couper court à ces associations délicates, la direction a loué le rez-de-chaussée, au consulat américain en 1917-1918.

 

En 1919, le bâtiment est nationalisé, et revient à la Maison d'État d'Éditions de Pétrograd (Petrogosizdat). Des succursales de diverses maisons d'édition et des rédactions de journaux et de magazines y sont aussi transférés.


Même après la nationalisation du bâtiment, le bureau de représentation de la société a continué ses activités jusqu’en 1922. Il a simplement fallu partager l’immeuble avec des institutions soviétiques, tels des éditeurs de livres ou du comité de censure national.

 

Carte Postale de l'Epoque

Carte postale d'époque

 

En 1938, la Maison du livre, a ouvert ses portes aux deux premiers niveaux de l’édifice. Cette institution subsiste encore aujourd’hui. Elle n’a cessé son activité que durant trois mois pendant le siège de Leningrad et lors des très importants travaux de restauration, à partir de 1999 et jusqu’en 2022.

 


Le Projet - Les Extérieurs :

 

Pavel Siouzor, qui avait déjà construit une centaine d’immeubles de rapport dans la ville,

a dû se résoudre à modifier son projet initial, et à subir les foudres de son client. Un nouveau projet à 5 étages plus mansarde fut soumis aux autorités.

 

Siouzor a conçu le bâtiment sous la forme de deux édifices de cinq étages disposés en équerre (en vert sur le plan), et unis à une aile transversale par un passage, constituant deux espaces. Ces espaces furent recouverts d'une verrière, formant des atriums.

 

Plan d’ensemble du projet

Plan d’ensemble du projet


Construction de l'Immeuble Singer, 1902-1903

Construction de l'Immeuble Singer, 1902-1903


La dominante architecturale du bâtiment consiste en une tour avec un dôme couronné d'une composition sculpturale et d'un globe de verre. Le globe était à l’époque, ceint d'un ruban métallique sur lequel était écrit le nom "Singer" en lettres d'or, symbolisant la diffusion des produits de l'entreprise dans le monde entier.

 

La verte coupole en verre

La verte coupole en verre

 

La composition s’harmonisait stylistiquement avec la tour du parlement de la ville et les coupoles de l'église du Sauveur sur le Sang Versé.

 

Le dôme était orné d’un pygargue (du sculpteur Artemi Ober), aigle pécheur, qui arborait sur son poitrail, un bouclier avec des étoiles et des rayures, en référence au drapeau américain.


le pygargue d'origine

Vous avez dit Pie Garde ?

 

Aux moments de la Guerre le nom germanique de la société ayant un effet négatif sur l’opinion publique et son symbole, l’aigle fut l’objet de nombreuses questions quand a sa similitude avec l’aigle allemand.

En conséquence, le volatile de l’immeuble Singer a été drapé dans une bannière étoilée, et seul son bec dépassait des plis. Dans les années 1920, il a cependant été démantelé.

 

 

Les façades ont quant à elles été revêtues de granite de différentes teintes et décorées de figures en bronze et de fers forgés.

 

La somptueuse Entree principale

Entrée des Artistes

 

 

Bronzes au Soleil

Bronzes au Soleil

 


Entrelacs d'Efflorescences végétales et feuillages

Efflorescences végétales et feuillages très décoratifs


Défis techniques et innovations de l’immeuble de la Compagnie Singer :

 

De nombreuses solutions architecturales de Pavel Siouzor étaient innovantes en ce début du XXe siècle.

 

Il a été en particulier, le premier en Russie à utiliser une charpente métallique avec remplissage de briques pour les murs, ce qui permit de créer de grandes ouvertures.

 

A noter que l’atrium est recouvert d’une verrière, pratique très rare à l’époque.

 

Lors de sa construction, les techniques les plus avancées de ce temps ont été appliquées :

 

  • l’édifice avait une charpente en fer,

  • les gouttières ont été cachées à l’intérieur des murs,

  • l’air des pièces était purifié, chauffé et humidifié, et

  • le toit était déneigé au moyen d’une alimentation automatique en vapeur.

 

A l’intérieur du bâtiment,

  • un système moderne de ventilation et de climatisation,

  • les ascenseurs (les premiers en Russie) et

  • des coffres-forts « Panzer ».

  

Afin de ne pas surcharger la façade et de ne pas gâcher son décor, Siouzor a conçu des gouttières cachées, construites directement dans les murs.

 

 

L’intérieur et sa déco :

 

Le bâtiment a reçu les systèmes d'ingénierie les plus modernes de cette époque. L’intérieur du bâtiment se distingue par une décoration expressive, pour laquelle des matériaux de la plus grande qualité sont utilisés.

 

Vue plongeante sur l’Atrium

Vue plongeante sur l’Atrium


  • L’édifice était desservi par des ascenseurs de la société Otis.

 

Trois ascenseurs ont été installés à l’intérieur.

 

Des Ornementations et Dorures, omniprésentes

Des Ornementations omniprésentes

 

  • Dans certaines pièces, des coffres-forts métalliques étaient intégrés.

 

  • À l’intérieur des murs, des conduits de ventilation et des tuyaux de chauffage à vapeur ont été posés.

 

  • Un autre système à vapeur unique, conçu par Siouzor servait à déneiger le toit.

 

  • L'escalier principal est en marbre de Carrare, les volées d'escalier sont décorées de mosaïques et les rampes en acajou et les éléments décoratifs sont soulignés de feuilles d'or.

 

Les caractéristiques du style Art nouveau se reflètent particulièrement clairement dans ces motifs décoratifs, utilisant différents matériaux et optant pour des formes curvilignes aux ouvertures des fenêtres, des portes, des grilles décoratives.

 

L'Enseigne de la Maison du Livre

L'Enseigne de la Maison du Livre

 

Restauration :

 

Les restaurateurs ont remplacé les anciens systèmes d’ingénierie par de nouveaux éléments, en préservant les intérieurs historiques. 

 

Le globe sur la tour a été muni de fenêtres modernes à double vitrage. L’aspect des façades a également été préservé : les climatiseurs sont situés sous les barreaux des fenêtres, et les conduits de ventilation sont également savamment cachés.

 

Vue depuis le salon de thé.

Vue depuis le salon de thé.

 

Les intérieurs décorés et rénovés

 

Escalier vers le Paradis, en marbre de Carrare

Escalier vers le Paradis, en marbre de Carrare


Initialement, seulement deux volées de l’escalier central étaient en marbre de Carrare, et la partie supérieure était en calcaire. Pendant la réparation, toutes les marches de l’escalier ont été remplacées par du marbre importé d’Italie.

 

Les murs ont de nouveau été décorés avec le fameux « plâtre vénitien », une technique qui permet d’imiter le marbre, entre autres materiaux. 

 

Le plâtre vénitien, ou stuc, est préparé à base de poussière de marbre, de granit ou de quartz, et la chaux éteinte tient le rôle de liant entre les particules.

 

Les éléments décoratifs comme les cadres et portes en chêne ont été recouverts de feuilles d’or.

 

De nombreux détails intérieurs ont été recréés à partir de photographies et de dessins du début du XXe siècle.

 

Masque aux allures de Gorgone

Masque aux allures de Gorgone

 

La Maison du Livre de Saint-Pétersbourg : Librairie-Salon de thé :

 

Actuellement, une librairie est située sur deux étages du bâtiment, sa superficie est de 2800 mètres carrés. 

Les étages supérieurs sont occupés par des bureaux, dont l’un appartient au réseau social « VKontakte ». Voir Article « Pavel Durov, le créateur de Telegram ». 


 

La maison du livre, est également engagée dans la promotion de la littérature. Au septième étage se réunissent des experts de l’édition, se réunissant régulièrement pour partager leur passion.


Au deuxième étage, de 09 h à 23h, le café Singer est ouvert, où vous pourrez admirer la perspective Nevsky et la cathédrale de Kazan dans une atmosphère détendue, ainsi que déguster des plats russes et européens.

 

N'oubliez pas de visiter la librairie : elle propose jusqu'à 120 000 livres de différents genres. Vous y trouverez non seulement des livres, mais aussi des souvenirs, de l’artisanat, des produits destinés à différents types de créativité.

 

Le 12 novembre 2022, la Maison du Livre a été réouverte dans la "Maison Singer".

 


Un Lieu de Vie et de Culture


La Maison Singer, avec son riche passé et son architecture fascinante, reste un témoignage vibrant de l’histoire et de la culture de Saint-Pétersbourg.

Alors, la prochaine fois que vous flânerez sur la Perspective Nevski, n’oubliez pas de faire un détour par ce monument unique, où le passé et le présent se rencontrent avec une élégance indéniable.


Saint Petersbourg vaut le voyage !


Le Bar du Singer à l’époque Soviétique

Le Bar du Singer à l’époque Soviétique

 

Calcul de l’équivalence des monnaies :

voici l'équivalent approximatif de 1000 roubles de l'année 1900 en euros actuels :

Selon les sources, 1 franc en 1900 équivaut à environ 3 euros aujourd'hui.

Or le rouble impérial russe était basé sur l'étalon-or à partir de 1897, avec 1 rouble = 0,774234 gramme d'or fin.

En 1900, le rouble russe était donc une monnaie-or, et on peut estimer sa valeur par rapport au franc français qui était également base sur l'étalon-or.

Avec un taux de change de 1 rouble pour environ 2,67 francs en 1900, 1000 roubles équivalaient à environ 2670 francs français de l'époque.

Donc, 1000 roubles de 1900 correspondent approximativement à :2670 francs français de 1900 x 3 euros actuels = 8010 euros d'aujourd'hui.

 

Ainsi, 1 000 000 de roubles de l'Empire russe en 1900 représentaient une somme considérable, équivalente à environ 8 000 000 euros actuels !

 

Carte postale. Photo prise entre 1905 et 1907

Carte postale. Photo prise entre 1905 et 1907



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